Poésie

Sonnet de novembre

Puisque la nature est inerte, qu’un lourd voileNous sépare à jamais de son cœur inconnu, Et que notre regard s’arrête, parvenuA la terrasse haute où veillent les étoiles,
Puisque l’on n’atteint pas la vérité première, Que tout système est limité, science ou foi, Je veux suivre, Seigneur, votre paisible loi, Et mon orgueil s’abîme en ma simple prière.
J’ai trop cherché, vous m’aviez dit d’aimer les hommesAinsi que vous, ainsi que moi-même, et toujoursQue l’on ne s’enrichit que de tout ce qu’on donne.
La fleur des rêves grands en mon âme est déclose  ; Rendez-moi le repos suprême, avec l’amourEt l’heureuse douceur de croire à quelque chose.

Floris Delattre
(1880-1950)

Le chrétien converti depuis longtemps, chez qui la certitude de la résurrection de Jésus-Christ est devenue une colonne inébranlable de son être intérieur, en arrive avec les années, à oublier les brouillards, les doutes, les angoisses et les désespoirs qui enveloppaient autrefois son âme.

Cependant, un ciel voilé de novembre et le pinceau magique d’un poète peut alors lui rappeler le pays douloureux d’où la grâce de Dieu l’a tiré, et raviver à ses yeux le contraste saisissant entre l’obscurité des jours d’antan

Et l’heureuse douceur de croire à quelque chose

Malgré une très forte connaissance de la littérature anglaise, puisqu’il était professeur d’anglais en Sorbonne, Floris Delattre n’a probablement jamais approfondi la foi biblique qui imprègne la culture d’outre-Manche. Mais sans préjuger de la fin de sa course terrestre, ce sonnet montre qu’il n’est pas resté étranger à l’influence mystérieuse et puissante de l’Évangile, ne serait-ce que parce qu’il a su exprimer dans un vers remarquable

Que l’on ne s’enrichit que de tout ce qu’on donne.

Le tableau est de Atkinson Grimshaw (1836-1893) un des plus grands peintres de l’époque victorienne.

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