Offert par
Stadtarchiv Fellbach
  Charles-Auguste  AUBERLEN  (1824-1864)



Le  Prophète  Daniel
et
l'Apocalypse  de  Saint Jean

Considérés  dans  leur  rapport  réciproque
et  étudiés  dans  leurs  principaux  passages
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La publication en 1854 de l'ouvrage que nous présentons, aura été un événement dans l'histoire de l'eschatologie. Son auteur, de langue allemande, est à peu près inconnu du public français ; on trouvera une esquisse de sa biographie écrite par Henri de Rougemont dans la préface de la traduction française, datant de 1870. Mort à quarante ans, Auberlen n'a produit d'essentiel que son œuvre sur Le Prophète Daniel et l'Apocalypse de saint Jean, mais celle-ci eut des répercussions importantes sur l'interprétation des prophéties, et encore aujourd'hui, elle mérite d'être lue attentivement.

A son époque le pré-millénarisme (c'est à dire la doctrine que Jésus-Christ reviendra soudainement, à la fin de la période actuelle de l'Eglise, pour inaugurer un âge d'or sur terre) était tombée dans une défaveur quasi générale, et ne suscitait plus que le dédain des exégètes ; les promesses à l'adresse d'Israël, dont l'Ancien Testament est rempli, étaient indivisement affectées au bénéfice des païens convertis au christianisme ; l'idée qu'Israël pût un jour revivre comme nation paraissait farfelue à la grande majorité. C'est pourquoi, après la lecture de ce livre, le lecteur pourra bien conclure que si Auberlen n'a pas été lui-même un prophète, il a du moins mieux compris la prophétie que la plupart de ses contemporains.

Cependant, l'intérêt des thèses d'Auberlen ne se limite pas à mieux connaître l'histoire du pré-millénarisme : elles peuvent de nos jours balayer un certain nombre d'idées fausses qui parasitent depuis longtemps l'eschatologie millénariste. En effet, la propagande des écrits de Darby et de ses disciples, de Scofield en particulier, apparaît, avec le recul des décennies, avoir plus desservi qu'aidé la compréhension du millénarisme. Ceci surprendra bon nombre de chrétiens évangéliques, persuadés que Darby a été la vigie qui veille sur la parole prophétique et qui, la première, signale à ses compagnons endormis, le retour prochain des enfants d'Israël dans leur pays. Rien n'est plus faux ! Darby a simplement repris le message d'autres auteurs antérieurs ou contemporains : voir par exemple, pages 250-251 (de l'édition PDF), ce que Michaelis écrivait déjà en 1779 :
«Cependant Moïse leur a si clairement promis qu'ils rentreraient dans leur pays dès après leur conversion, et Paul a si positivement annoncé cette conversion, qu'il serait bien difficile de conserver le moindre doute à cet égard de leur retour en Palestine.»
(Pareillement, tous ceux qui s'intéressent à la question de l'enlèvement de l'Eglise savent que sur ce sujet Darby n'a fait que plagier les idées d'Irving.) Ces questions de priorité seraient en elles-mêmes puériles, si des erreurs importantes n'avaient pas été mêlées dès le départ, aux éléments certains des prophéties :

Quelle est la grande question qui se pose généralement parmi les pré-millénaristes ? C'est celle de savoir s'il faut être pré, mid, ou post tribulationiste ; soit déterminer si l'enlèvement de l'Eglise interviendra au début, au milieu ou à la fin d'une période de sept ans, que les dispensationalistes appellent grande tribulation. Mais que deviendra ce distinguo s'il s'avère que la période de sept ans n'existe pas ? il sera sans objet ! Or, dans toute l'Apocalypse de Jean, il n'est jamais mentionné un intervalle de sept ans ; la seule durée constante qui se répète vaut trois ans et demi, ou 42 mois. En fait, toute la question tribulationiste se fonde sur le pré-supposé darbyste que la grande tribulation doit être identifiée avec la dernière semaine de la prophétie de Daniel. Dans cette interprétation, les septante semaines, soit 490 ans, ne forment pas un intervalle continu dans le temps, mais deux : l'un de 483 ans, qui s'est terminé à la mort de Jésus-Christ, l'autre de sept ans, encore à venir. Cela est si ancré dans la pensée des dispensationalistes qu'ils ignorent que les exégètes millénaristes antérieurs à Darby considèrent unanimement les septante semaines de Daniel comme chronologiquement continues. Auberlen dit fort bien : «... de cette façon la dernière semaine est séparée des soixante-neuf premières par un immense intervalle, ce qui nous paraît inadmissible, attendu que les septante semaines forment évidemment un tout.» Celui qui, au milieu de la dernière semaine, fait cesser le sacrifice, n'est pas l'antéchrist, mais Jésus-Christ, qui en mourant sur la croix consomme les sacrifices de la loi lévitique. Tant de livres et de débats passionnés sur l'enlèvement de l'Eglise avant ou après la soixante-dixième semaine de Daniel, pour finalement constater que cette dernière est close depuis deux millénaires !

Une autre grave erreur redevable à l'école darbyste consiste dans l'absolue distinction qu'elle prétend mettre entre Israël et l'Eglise. Auberlen, citations à l'appui, expose quelle était de son temps, cette théorie du remplacement, qui détourne toutes les promesses de l'Ancien Testament faites à Israël au profit des Gentils ; et il en fait justice. Mais il ne tombe pas pour autant dans la caricature des dispensationalistes qui découpent la Bible comme un volatile dont il s'agit de distribuer les portions aux convives. Pour eux, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, sont de simples amis de l'époux ; la véritable épouse, l'Eglise, leur fera un petit bonjour de loin, lors des noces, puis se retirera avec son divin Seigneur... Que faire donc de la parole de l'ange à Jean : Viens, je te montrerai la femme de l'Agneau ! et qui place devant ses yeux, non l'Eglise, mais la Jérusalem céleste, celle bâtie sur le fondement des apôtres et des prophètes, celle dont les douze portes sont ornées des noms des douze tribus d'Israël, celle enfin qu'Abraham avait en vue lors de son pèlerinage terrestre ? Que faire encore de l'olivier franc, image du véritable Israël, que Paul propose à notre réflexion pour que nous nous gardions de l'oublier, et sur lequel vient se greffer les branches de l'olivier sauvage, image des gentils ? Faudra-t-il aussi débiter cet arbre, le dispensationaliser afin d'en séparer les fibres des deux origines ? Auberlen trouve dans la femme de l'Apocalypse qui enfante le Messie, harmoniquement avec le reste de la Parole, un autre symbole du vrai Israël, ou de la vraie Eglise, ce qui est la même chose : «La femme de l'Apocalypse ne représente ni Israël sans l'Eglise, ni l'Eglise sans Israël.»

Quant aux destinées finales de l'Eglise, il n'est pas rare que les sectateurs de Scofield s'imaginent, assez vaniteusement, être représentés par la petite église de Philadelphie, qu'ils supposent devoir être enlevée juste avant la tribulation, tandis que les autres églises, et en particulier celle de Rome, passeront par de terribles jugements que leur auront attiré leurs infidélités. Le mérite d'Auberlen a été de voir clairement et très tôt, que la prostituée qui étonne si fort l'apôtre Jean dans sa vision, ne symbolise pas une église en particulier, savoir celle de Rome, mais toute l'Eglise déchue, y compris les branches évangéliques issues de la Réforme. Le parallèle est complet entre l'Eglise et Israël, mot qui désigne dans l'Ancien Testament aussi bien la partie fidèle du peuple de Dieu, son épouse, que la partie infidèle, qui devient par là une prostituée. Auberlen présente l'originalité, parmi les commentateurs, d'identifier la prostituée du chapitre 17 avec la femme du chapitre 12 ; il explique par là le fait que lorsque Jean voit la femme assise sur la bête, il en éprouve une grande stupéfaction, se demandant comment a pu s'opérer une si terrible transformation.

Quoiqu'on pense de ces vues, l'ouvrage d'Auberlen contient une foule d'observations sur le texte biblique qui ne pourront qu'intéresser l'étudiant sérieux de Daniel et de l'Apocalypse. Mais le fruit le plus bénéfique qu'il a produit a été de féconder la pensée d'autres commentateurs millénaristes, et en particulier celle de Frédéric Godet, l'auteur de l'Essai sur l'Apocalypse. Godet y écrit :
«Entre ceux qui voient dans l'Apocalypse une photographie détaillée de l'histoire de l'Eglise et de la chrétienté européenne depuis Jésus-Christ, et ceux qui admettent dans ce tableau un blanc complet entre les premiers siècles et la fin du monde, il faut donc prendre une voie moyenne. Nous ne connaissons guère qu'Auberlen, ce pieux savant enlevé de si bonne heure à l'Eglise dont il eût été l'une des lumières, qui se soit rapproché de cette méthode ; et encore nous paraît-il avoir incliné beaucoup trop du côté de ceux qui découvrent dans le tableau apocalyptique plus d'indications historiques qu'il n'en renferme réellement.»

Dans les grandes lignes l'interprétation de Godet et d'Auberlen se suivent ; cependant elles diffèrent sensiblement sur plusieurs points importants concernant les événements à venir. Nous donnons plus bas un tableau comparatif des deux systèmes, ainsi que quelques remarques. Restant dans le cadre d'une compréhension millénariste de la prophétie, Auberlen et Godet comptent parmi les exégètes qui peuvent soutenir la confrontation avec le cours de l'Histoire depuis leur mort. Le dispensationalisme Darby-Scofield doit être résolument abandonné, ne serait-ce que parce que ses partisans, après avoir au dix-neuvième siècle prédit que l'enlèvement de l'Eglise surviendrait avant la restauration nationale d'Israël (Irving, Mackintosh1...), l'ont depuis 1948 maintes fois annoncé pour la génération qui a vu le retour des Juifs en Palestine (Hall Lindsey etc.). C'est pourquoi, après la lecture de l'ouvrage d'Auberlen, nous ne pouvons que conseiller celle de l'Essai sur l'Apocalypse.

 

Point de départ des septante semaines
AUBERLENEn 457, quand Artaxerxès, dans la septième année de son règne, autorise Esdras à rétablir Jérusalem.
GODETEn 536, date de l'édit de Cyrus qui ordonne la reconstruction du temple de Jérusalem.
RemarquesAvec le point de départ d'Auberlen, la mort de Jésus survient l'année 30, soit au milieu de la dernière semaine ; la fin de la semaine est donc l'an 33, ce qui correspond, pour Auberlen, environ à l'époque où les chrétiens cessent de trouver grâce aux yeux des habitants de Jérusalem et à la mort du premier martyre, Etienne. Israël aurait eu ainsi encore 3 ans et demi après la mort de Christ pour se convertir en tant que nation.
Pour Godet, les 70 semaines ne doivent pas être prises comme une durée précise de 490 ans, mais plutôt comme une série de cycles de valeurs assez élastiques. C'est une manière de faire comprendre à Daniel, qui voyait la fin des 70 ans dont avait parlé Jérémie, qu'il faudra patienter encore un temps bien plus long, 70 fois sept ans, pour arriver jusqu'au Messie. Les raisons que Godet donne pour ne pas suivre Auberlen sont : un, la période de Esdras et Néhémie, n'a rien de marquant pour le peuple d'Israël et n'est que la continuation de l'édit de Cyrus ; deux, ce sont les prières de Daniel, la première année de Darius, en 537, qui provoquent l'ordre sorti d'auprès de Dieu, et qui se traduit tout de suite dans la sphère de l'histoire par l'édit de Cyrus. (9.23 et 25)
Cependant pour Auberlen, la parole annonçant que Jérusalem sera restaurée et rebâtie du verset 25, ne peut être l'édit de Cyrus qui se bornait à la reconstruction du temple ; si l'ange avait voulu parler de cet édit, il aurait simplement dit qu'il y aurait 70 semaines à partir du retour de l'exil (voir ses arguments p. 110-125). La position d'Auberlen reste plus attractive que celle de Godet du fait qu'elle mène à une exactitude chronologique. Puis on ne comprend guère pourquoi l'ange s'exprime en des termes à la fois si particuliers et si obscurs s'il ne s'agit que d'annoncer à Daniel qu'il s'écoulerait à peu près cinq siècles avant le Messie. Quoiqu'il en soit il ne se trouve pas dans Daniel 9 la moindre idée que les 70 semaines soient discontinues et qu'il faille séparer la dernière semaine des autres par un intervalle indéfini.
Les huit puissances ennemies du peuple de Dieu, qui correspondent aux huit têtes de la bête, la huitième et dernière étant l'une des sept revenue à la vie.
(Apocalypse 17.9-11)
AUBERLEN
  1. L'Egypte
  2. L'Assyrie
  3. Babylone
  4. L'empire mèdo-perse
  5. L'empire grec
  6. L'empire romain
  7. L'empire germain (Auberlen appelle ainsi l'ensemble des nations passées sous la domination des peuples germains après la dissolution de l'empire romain)
  8. L'empire germain totalement déchristianisé, et maintenant animé par une inimitié ouverte contre Dieu, résurrection de celle qui s'était manifestée du temps d'Antiochus Epiphane.
GODET
  1. L'Egypte
  2. L'empire assyro-babylonien
  3. L'empire mèdo-perse
  4. L'empire grec
  5. L'Israël qui a rejeté Jésus-Christ et s'est écrié : Nous n'avons d'autre roi que César !
  6. L'empire romain
  7. Une puissance de courte durée, encore à venir, qui unifiera les restes de l'empire romain, nations maintenant redevenues païennes.
  8. L'Israël ennemi de Christ, ressuscité comme nation, et marchant à la tête de la confédération précédente, sous la conduite d'un faux messie.
RemarquesC'est ici le point essentiel sur lequel divergent les interprétations d'Auberlen et de Godet, si capital pour la compréhension des événements à venir : Quelles sont les huit puissances que Jean contemple sous l'apparence de huit têtes, dans Apocalypse 17 ? Le point commun qui les unit c'est leur opposition au règne de Dieu sur terre. Elles l'ont manifestée au cours de l'histoire, en persécutant le peuple de Dieu ; c'est pourquoi l'Egypte paraît incontestablement la première. La sixième est tout aussi certainement l'empire romain puisque l'ange déclare à Jean : l'une est. Les empires babylonien, médo-perse, grec, se reconnaissent facilement, puisqu'ils font partie de la statue de Daniel. Toute la difficulté porte sur une cinquième tête qui à l'époque de Jean n'existe plus et qui est destinée à revivre dans la huitième. Auberlen parvient au nombre cinq en distinguant l'Assyrie et Babylone, mais il est manifestement embarrassé pour désigner celle des cinq têtes qui doit revivre puisqu'il fait de la huitième l'empire germain : c'est à dire les nations européennes actuelles, qui après avoir été christianisées deviendront ouvertement ennemies du christianisme. Cependant ces nations n'existaient pas antérieurement à Jean ; son interprétation présente là, semble-t-il, un défaut rédhibitoire. Auberlen tente d'écarter l'objection en voyant dans la bête qui monte de l'abîme, l'esprit de l'antéchrist de l'ancienne alliance, Antiochus Epiphane, qui revient à la vie et au pouvoir, après des siècles de christianisation. La notion vague d'un retour en force du paganisme ne rend pas compte de l'affirmation positive que l'une des cinq têtes revivra ; d'autre part la notion même d'un empire germain est contestable dans la mesure où l'empire romain n'a pas été remplacé par une entité bien définie ; il a été disloqué par des peuplades barbares qui, à leur tour, ont été absorbées par la culture romaine et chrétienne.

Godet, avance une idée remarquable pour son époque, car même si le sionisme voyait ses débuts, la renaissance d'Israël comme nation était encore lointaine. Dans son optique la tête qui n'est plus est la nation d'Israël qui vient d'être détruite en l'an 70 par les romains ; Godet, en effet, place la composition de l'Apocalypse entre l'an 81 et 96, seule option qui permet à l'ange de parler à Jean ainsi qu'il le fait. Auberlen quant à lui donne sa préférence à l'école qui situe la rédaction de l'Apocalypse un peu avant la ruine de Jérusalem ; ce qui, si c'était le cas, rendrait caduque l'interprétation de Godet : ainsi un point qui pouvait paraître mineur, la date de composition, peut se montrer déterminant pour l'exégèse.

Pour Auberlen la septième tête est, comme la huitième, l'ensemble des nations européennes, mais un problème se pose : d'après 17.10 celle-ci ne doit rester que peu de temps. Or la durée de ce qu'Auberlen appelle l'empire germain est plus longue, de beaucoup, que toutes les autres puisqu'elle a déjà quinze siècles ! Auberlen prend l'expression ne rester que peu de temps dans le sens d'une litote (comme en français nous disons un bout de temps pour signifier en fait beaucoup de temps). Mais outre le côté paradoxal de cette façon de s'exprimer, il semble que dans le grec l'accent soit plus sur le mot peu que sur le mot rester (Jamiesson, Fausset and Brown commentary), contrairement à l'assertion d'Auberlen. Pour Godet cette septième tête n'est pas encore déterminée, elle surgira à l'occasion d'une crise mondiale sans précédent, puis laissera rapidement le pouvoir au faux Messie.
La femme enveloppée du soleil, chapitre 12 de l'Apocalypse.
AUBERLENElle représente l'assemblée des croyants tant de l'ancienne que de la nouvelle alliance. Le fils qu'elle enfante est le Messie ; la scène de l'accouchement correspond à sa naissance physique de la vierge Marie, celle de l'enlèvement près de Dieu, à son ascension. Aussitôt après, la femme, l'Eglise persécutée, ne peut plus rester en Israël ; elle va se réfugier chez les Gentils (le désert). Le fleuve que lance le dragon pour la noyer, sont les peuplades barbares qui en disloquant l'empire veulent détruire son refuge ; mais elles sont absorbées par la terre, c'est à dire par l'empire romain qui les assimile et les christianise. Le reste des enfants de la femme vers qui le dragon se retourne pour leur faire la guerre, représente les croyants fidèles dans l'Eglise qui va se mondaniser et finir par devenir la prostituée du chapitre 17.
GODET L'Apocalypse étant écrite de manière chronologique, la femme ne peut représenter la théocratie juive enfantant Jésus, puisque déjà au chapitre 11 la septième trompette a retenti. Le royaume de Dieu est sur le point de paraître, la femme symbolise l'Eglise donnant naissance, non au Messie en tant qu' enfant, mais comme Roi et Juge. L'enlèvement de l'enfant ne figure pas l'ascension mais l'ajournement du règne de Dieu qui doit pour l'instant faire place au règne de l'antéchrist. Les 1260 jours représentent la durée de la domination de la bête, durant laquelle l'Eglise devra fuir la persécution.
RemarquesMalgré la belle description de la femme, la vision est difficile à comprendre totalement. La principale objection contre Auberlen réside dans les 1260 jours ; s'il ne s'agit pas d'une durée littérale, on ne s'explique pas qu'ils soient tout au long du livre égalés à 42 mois, ou un temps, des temps et la moitié d'un temps (3ans et demi) et de plus on ne voit pas l'intérêt de cette précision numérique puisqu'on en peut pas déduire la durée de l'Eglise.
Contre Godet : l'enlèvement de l'enfant doit décrire un événement bien défini, une action positive, ce qui s'accorde assez mal avec l'idée d'un ajournement : quand commence-t-il, et quelle cause le déclenche ? Cependant à tout prendre l'interprétation de Godet semble plus cohérente avec le reste du livre.
Évaluation des deux systèmes 150 ans après.
RemarquesOn ne peut que saluer la perspicacité et la foi des deux auteurs vis-à-vis de la restauration d'Israël en tant que nation ! La déchristianisation de l'Europe et la déchéance d'une bonne partie des églises issues de la Réforme, (prédiction sans doute moins remarquable, puisque c'est là la pente naturelle des peuples), ont également largement confirmé leurs écrits.

Après le drame de la shoah lors de la deuxième guerre mondiale, la thèse iconoclaste de Godet mérite des remarques particulières.
Tout d'abord il faut rappeler que c'est précisément au dix-neuvième siècle qu'ont commencé à se répandre les rumeurs d'un complot juif. En provenance de divers milieux occultes ou nationalistes, elles accréditaient l'idée que les juifs, notamment leurs riches banquiers, en noyautant les gouvernements et les postes importants, s'apprêtaient à dominer le monde. Il est hors de doute que le mythe du complot juif, en nourrissant l'ambiance antisémite du siècle a favorisé l'accession au pouvoir des nazis et la mise en œuvre de leurs desseins criminels.
En quoi cette donnée historique doit-elle modifier notre regard sur la position vraiment unique de Godet parmi les commentateurs de l'Apocalypse ? Premièrement on ne voit pas comment quelqu'un pourrait aujourd'hui défendre sa thèse sans être accusé de reprendre un vieux thème antisémite. Mais deuxièmement, après réflexion, c'est peut-être bien la raison même pour laquelle son essai mérite d'être d'autant plus considéré. L'Ecriture annonce, Apocalypse 17.8 : La bête que tu as vue était, et elle n'est plus. Elle doit monter de l'abîme, et aller à la perdition. Et les habitants de la terre, ceux dont le nom n'a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie, s'étonneront en voyant la bête, parce qu'elle était, et qu'elle n'est plus, et qu'elle reparaîtra.
Ainsi la bête, lorsqu'elle se révélera, étonnera la terre entière. Pourquoi ? Depuis cinquante ans les multiples émules de Scofield serinent que l'empire de la bête sera l'Europe unifiée, l'empire romain ressuscité. Soit, l'antéchrist règnera sur les nations anciennement chrétiennes, mais qui s'étonnera que l'Europe finisse par se faire ? Personne ! Par contre qu'Israël, pays minuscule, se retrouve soudainement à la tête des nations, n'est pas actuellement une idée qui semblera naturelle à beaucoup de gens.
Juger la thèse de Godet antisémite, (indépendamment des craintes qu'elle suscite), c'est méconnaître un trait important de l'Ecriture. Quand, dans son Evangile, l'apôtre Jean répète de si nombreuses fois cette expression les Juifs, et presque toujours dans un sens négatif, (exemple : ...à cause de cela, les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, non seulement parce qu'il violait le sabbat, mais parce qu'il appelait Dieu son propre Père, se faisant lui-même égal à Dieu ... Alors les Juifs prirent de nouveau des pierres pour le lapider etc.. etc..) il est évident que Jean désigne par là la fraction d'Israël qui haïssait mortellement Jésus, et non les juifs, en tant que représentants du peuple dont il fait lui même partie. De même lorsque l'apôtre Paul écrit dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens : Ce sont ces Juifs qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes..., il serait absurde de le taxer d'antisémitisme ; ce serait oublier qu'il était lui-même juif, qu'il aurait, si cela avait été possible, échangé son salut contre celui de son peuple, et qu'il a prophétisé qu'un jour tout Israël sera sauvé.
Si donc on pense accuser Godet d'antisémitisme, il faudra en agir de même pour la quasi totalité des écrivains de la Bible, qui étaient juifs ; pour Jean, Paul, Moïse, les prophètes, et enfin pour Jésus-Christ lui-même qui a prophétisé à son peuple : Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez.

Depuis la deuxième moitié du vingtième siècle, la première puissance mondiale est incontestablement l'Amérique. Si tous les exégètes s'accordent à voir dans les nations européennes la continuation de l'empire romain, tout comme les pieds et les orteils prolongent les jambes de la statue dans Daniel, où placer l'Amérique ? Vues sa nouveauté et sa position géographique, l'inclure dans l'empire romain paraît plutôt saugrenu. D'autre part, se rappelant le principe que l'Ecriture ne mentionne les nations que dans leur rapport avec Israël, pourquoi serait-elle absente de la prophétie alors qu'elle est le principal soutien du peuple juif ? Se pourrait-il qu'elle soit cette septième puissance qui ne doit occuper la première place que peu de temps ? La question reste ouverte, seul l'avenir y répondra. Dieu a voulu donner à la prophétie ce caractère général qu'elle ne peut être pleinement reconnue et comprise qu'après son accomplissement ; ainsi l'homme qui a cherché à la sonder, confesse humblement sa finitude et rend toute gloire à son Auteur.





1
Voici, par exemple, ce qu'écrivait à la même époque qu'Auberlen, C.H.Mackintosh (1820-1896), fervent partisan du dispensationalisme darbyste :

«Beaucoup de chrétiens ont perdu la force morale de l'espérance de l'apparition de Christ, pour avoir été enseigné à attendre divers événements avant la manifestation de Christ à l'Eglise ; on leur a appris, contrairement aux déclarations explicites du Nouveau Testament que le rétablissement des Juifs, le développement de la statue de Nebucadnestar et la révélation de l'homme de péché doivent précéder le retour de Christ...Les écrits prophétiques du Nouveau Testament nous apprennent que la semence d'Abraham reparaîtra sur la scène après la consommation et l'enlèvement de l'Epouse élue de Christ.» (Commentaire sur la Genèse)

et encore :

«Quelle est votre espérance? Attendez-vous que s'accomplissent certains événements qui doivent arriver sur cette terre, comme la réapparition de l'empire romain, l'avènement des dix royaumes, le retour de juifs dans leur terre de Palestine, la reconstruction de Jérusalem, l'apparition de l'Antichrist, la grande tribulation, et pour finir, les effrayants jugements qui, assurément, introduiront le jour du Seigneur ? » (La venue du Seigneur.)

Paroles malheureuses s'il en fût...

Source : ThéoTeX

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